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Matthieu Moulin : « Marianne Mélodie et moi : c'est fini. Je suis libre. Donc disponible ! »



En décembre 2013, Platine Magazine publiait un portrait de vous : "Matthieu Moulin, l’âme de Marianne Mélodie", dans lequel vous fêtiez vos dix ans d’activité pour ce label, en tant que directeur artistique et chef de projets. Onze ans plus tard, le 5 mai 2024, vous célébrez vos 21 ans et en même temps la fin de votre collaboration puisque votre dernier jour de travail a été le 21 mai 2024…

 

Oui, en effet, mon poste grâce auquel je créais des projets CD et DVD autour de la variété française du siècle dernier, a été supprimé pour raisons économiques. Etant donné le marché actuel de la musique, difficile et incertain, il a été décidé, d’un commun accord, d’arrêter cette collaboration faute de coûts trop élevés pour réaliser de tels projets et d’une chute vertigineuse des ventes de supports physiques. Aujourd’hui, les CD et les DVD sont devenus obsolètes, j’entends régulièrement autour de moi des gens me dire qu’ils ne possèdent plus de platine pour les lire, encore moins de lecteur d’ordinateur puisqu’ils se sont plus incorporés comme c’était le cas avant. Et naturellement, les plateformes de téléchargement, les sites web d’hébergement de vidéos et de sons tels que Youtube ou Dailymotion, ont "tué" à petit feu l’objet qui se veut payant lorsque Internet se veut gratuit, en mettant tout à disposition dans la seconde, même avec une qualité sonore plus que contestable. Les deux formules ont réussi à cohabiter assez longtemps mais nos habitudes changent, en même temps que nos comportements. On a perdu le réflexe de se déplacer pour acheter un disque, de l’ouvrir, de l’observer, de l’écouter et de le ranger soigneusement dans sa discothèque. Certains diront que non, mais il faut se rendre à l’évidence, nous sommes de moins en moins nombreux à opter pour un tel mécanisme, une telle dynamique d’un mode de vie à l’ancienne. Les aficionados représentent aujourd’hui une niche qui ne suffit plus à payer les investissements que cela représente, sans parler des salaires, des charges, de tout ce qui incombe une société dont le but premier est que ça tourne.

 

Comment vivez-vous cet arrêt après 21 années passées à sauvegarder, sans relâche, le patrimoine sonore enregistré ? Nous vous avons connu extrêmement investi dans cette mission et nombre de vos réalisations ont été chroniquées dans nos pages. Cela a-t-il été brutal ? Un choc psychologique ?

 

Je le vis comme une espèce de fatalité contre laquelle on ne peut rien, mais je le vis sereinement car je m’y étais préparé depuis 6 mois. Ce n’est pas un arrêt dû au fait que j’ai mal travaillé ou au fait que les compilations proposées sont moins alléchantes. Pas du tout puisque mes dernières créations ont été des francs succès, que ce soit le DVD Rika Zaraï ou le coffret 4 CD Stone et Charden. Non seulement ils étaient très attendus et depuis longtemps par notre public, et en plus ils m’ont valu moult compliments, félicitations, remerciements qui m’ont extrêmement touché. Je dis cela sans vanité ni supériorité. Ma seule prétention est celle d’avoir toujours bien fait mon travail. Et ma grande fierté, celle d’avoir reçu des messages d’un public satisfait, heureux et comblé. Chacun de mes projets, je les ai imaginés, pensés, rêvés, écrits, réécrits, comme l’on rédige un livre ou comme on réalise un film. Rien n’est laissé au hasard, surtout lorsqu’on s’attaque à des anthologies d’artistes majeurs. Il faut être bon. L’erreur est humaine mais si on peut l’éviter, c’est mieux. Tout ça pour dire que, oui, quand du jour au lendemain, une telle activité s’arrête, c’est bizarre. Plus de projets, plus d’échanges de mails, plus de créations… Couper la création à un créatif, c’est dur. Comme Régine, je suis un homme d’idées qui aime les rendre réelles, existentielles. A partir du moment où ces idées ne sont plus utiles à quelque chose ou à quelqu’un, c’est déstabilisant, on a le sentiment d’avoir loupé un truc. Heureusement, mon entourage amical et artistique avec lequel j’ai travaillé, me rassure. Tous sont bienveillants et m’encouragent pour la suite, me disant qu’avec un tel bagage, une telle expertise dans mon domaine de spécialiste de la chanson française, cela va forcément intéresser et servir à quelqu’un d’autre. Alors je tourne la page Marianne Mélodie plus sereinement et m’apprête à écrire un nouveau chapitre avec force, confiance et détermination. Je suis désormais libre de tout engagement. Donc complètement disponible pour qui voudra de moi.

 

Quel regard portez-vous sur vos 21 années passées chez Marianne Mélodie ?

 

Un regard très positif ! Jamais je ne porterai de jugement négatif sur ce label qui m’a permis de réaliser de grandes choses. Je n’ai aucune amertume, aucune animosité, bien au contraire. Sinon ce serait cracher sur tout le travail que j’y ai fait et ce n’est certainement pas mon intention. Un regret peut-être, celui de ne pas avoir pu tout rééditer mais, en soi, cela est impossible. Il y a trop de matière et moins de passionnés prêts à débourser quelques euros pour acheter des compilations un peu plus pointues. Chaque semaine, je reçois un ou plusieurs messages me demandant s’il est possible de réaliser telle anthologie ou tel DVD de tel(le) artiste. Même avec des artistes connus, si l’on ne dépasse pas les 1000 ventes, on ne rentre pas dans nos frais. C’est devenu un marché de niche, à cause du web, et les actualités que nous vivons ne facilitent pas les choses. Quand on vous parle d’inflation, de pouvoir d’achat ou de crise toute la journée, on y réfléchit à deux fois avant d’acheter un disque. Je dirais donc que j’ai vécu les dernières belles années du CD et du DVD. Depuis 2000, année de mon tout premier CD, consacré à mon idole la cantatrice Mado Robin.

 

En plus de la chanson, vous avez également géré des collections lyriques, d’opéras et d’opérettes ?

 

Oui, j’ai d’ailleurs démarré ce métier en me focalisant sur les voix lyriques, étant donné que, lorsque je suis arrivé, d’autres personnes s’occupaient déjà de rééditions autour de la chanson française rétro, à savoir Marie-Pierre Vancallement et Dany Lallemand, devenus de grands amis depuis d'ailleurs. Quand on est passionné par les années 30, 40, 50, l’opérette et la chanson, c’est un peu la même chose. On retrouve souvent les mêmes artistes dans plusieurs rôles car l’opérette de l’époque pouvait à la fois être très lyrique, proche de l’opéra-comique, comme elle pouvait être défendue par des chanteurs de variété dont la voix n’était pas forcément lyrique. Annie Cordy en est un très bon exemple. Elle s’est fait connaitre en 1952 dans une opérette de Francis Lopez, "La Route fleurie", avec un rôle de fantaisiste dont la voix n’est pas du tout lyrique. Et en parallèle, elle enregistrait des chansons populaires. Je me suis donc concentré sur les voix d’or, les opérettes et quelquefois les chanteurs d’opéras, ma collection de 78 tours me le permettant. Dès mon plus jeune âge, j’ai aimé la chanson ancienne. En parfait autodidacte, je suis devenu collectionneur de tout ce qui touche à la chanson et à son histoire.

C’est comme cela que j’ai écouté et découvert des centaines de voix et des milliers de chansons. En clair, je suis passé de Chantal Goya et Dorothée à Berthe Sylva et Edith Piaf, du jour au lendemain, tout simplement parce que le tourne-disque me fascinait. Je chipais des 45 tours chez mes tantes et mes voisines, tout était bon à prendre. Dans les années 80, lorsque j’étais enfant, j’ai tout découvert d’un coup : Sheila, Fréhel, Johnny Hallyday, Nana Mouskouri, Douchka, Damia, Marie Dubas, Yvette Horner… Et je me suis rendu compte que tout cela formait un monde absolument merveilleux. A 14 ans, j’animais déjà des émissions de radio en province. Sur cassettes, je réalisais mes premières compilations. J’avais ça dans le sang. J’achetais bientôt toutes les rééditions existantes. Le CD étant arrivé dans les foyers entre 1988 et 1990, j’ai agrémenté ma discothèque jusque là composée de vinyles, avec les premiers CD qui compilaient les artistes anciens. Ma culture s’est faite ainsi. Avec le travail de mes prédécesseurs et leurs collections. J’achetais tout : Chansophone, Music Memoria, EPM… Dès que c’était rétro, je commandais, je découvrais et ensuite j’en faisais des émissions de radio toutes les semaines. La passion était en plein essor.

 

Mais comment en arrive-t-on à en faire un métier, comment êtes-vous passé de passionné en province à chef de projets à Paris ?

 

J’ai découvert Marianne Mélodie par une voisine, qui était abonnée au mailing. Connaissant mon goût quelque peu original pour les voix du passé, elle m’a tendu un catalogue en me disant : « Tiens, ça devrait t’intéresser ». En effet, ça m’a plus qu’intéressé ! En tournant les pages, je suis tombé sur un CD de Mado Robin : la voix la plus haute du monde. Ca m’a interpellé car j’aimais déjà infiniment les voix féminines aiguës telles qu’Yvonne Printemps et Elyane Célis. J’ai commandé le CD de Mado Robin. Et j’ai eu la révélation. J’avais trouvé ma voix en même temps que ma voie pour plus tard. A partir de ce moment-là, je voulais tout savoir sur elle, tout connaitre, tout posséder de sa discographie. Je me souviens avoir trouvé une photo dédicacée qui représentait pour moi le Graal. Par le truchement d’un homme qui habitait la Touraine, j’ai pu entrer en contact avec sa famille et ses ayants droit. Là a démarré une histoire merveilleuse qui donnera naissance, bien des années plus tard, à des projets de cœur tels qu’un musée Mado Robin, un documentaire DVD d’archives sur sa vie hors norme, moult compilations CD et un centre culturel à Paris qui porte son nom.

A ma majorité, je suis monté à Paris pour rencontrer Lionel Risler, ingénieur du son spécialisé dans la restauration sonore de disques anciens, car je trouvais que le rendu de son travail était meilleur que celui des autres. D’une compilation à l’autre, un même titre chanté par la même personne avait un meilleur son lorsqu’il avait été traité par lui, dans son studio Sofreson. Il m’a reçu très gentiment et fait quelques démonstrations qui ont confirmé ce que mes oreilles entendaient. Appréciant ma jeunesse et ma fougue autant que les compliments que je lui faisais, il a parlé de moi au patron de Marianne Mélodie, Stéphane Gonnon. Le hasard a voulu qu’en 2000, ce dernier cherchait quelqu’un pour réaliser une compilation de Mado Robin, suite à la demande de la clientèle. J’ai été l’heureux élu. Malgré mes 22 ans, j’ai convaincu tout le monde, ayant avec moi le matériel nécessaire, la passion et l’accord des ayants droit qui m’ont ouvert leurs propres archives familiales. Ce premier CD ayant eu un joli succès, j’ai été invité à en réaliser d’autres. Après Mado Robin, il y eut José Luccioni, André Baugé, Ninon Vallin et la divette Fanély Revoil. Au printemps 2003, ce CD reçut le Prix ''Orphée d’Or'' de l’Académie Nationale du disque lyrique dans la catégorie ''Opérette'' / Prix Jacques Offenbach, dans l’amphithéâtre de l’Opéra Bastille, en présence du Ministère de la Culture et de Pierre Bergé, président d’honneur de l’Opéra National de Paris. Prix remis des mains d’Annick Caubert, journaliste lyrique, en présence de Paul Revoil, frère de Fanély. Fort de cette récompense, à l’époque sans emploi, j’ai proposé mes services et j’ai été entendu. Le 5 mai 2003, je signais mon contrat en tant que chef de projets pour le label et éditeur musical Marianne Mélodie.

 

Combien de CD avez-vous réalisé entre 2003 et 2024 ? Des centaines, j’imagine ?

 

Voilà une question bien difficile, je ne les ai pas comptés. Mais oui, plusieurs centaines de compilations très diverses, que ce soit en chanson, lyrique, folklore, accordéon, instrumental avec la même passion. Pour un total approximatif d’environ 100.000 titres sauvés et sauvegardés grâce à la réédition sur CD et la mise à disposition en numérique ensuite. À la même époque et avant même d’être engagé chez Marianne Mélodie, avec un copain, nous recherchions et rencontrions beaucoup d’artistes des années 30 40 50 toujours en vie, bien que retombés dans l’anonymat pour la plupart. Chaque rencontre était magnifique pour moi et me donnait à chaque fois envie de réaliser un CD à l’effigie de l’artiste en question, d’abord pour lui faire plaisir, ensuite pour laisser une trace afin de réhabiliter son nom et son œuvre, afin qu’il ne tombe pas définitivement dans l’oubli. Je pense, par exemple, à Victoria Marino, Fabia Gringor, Raymond Girerd, Guy Severyns, Jean Darlez, Michel Lucki, Jean Jeepy, José Christian, Christian Juin, Jacqueline Valois, Irène Hilda, Jackie Lawrence, les Sœurs Bordeau, Eliane Embrun, France Aubert, Jany Sylvaire, Betty Spell, Yana Gani... Je les ai tous rencontrés. Je pourrais vous citer des dizaines d’autres noms mais ils ne vous diront plus grand-chose aujourd’hui. En tout cas, je l’ai fait. J’étais fasciné et en même temps je me sentais une mission de le faire. Le mécanisme était toujours le même : rassembler tous les 78 tours et 45 tours qu’ils avaient enregistrés, trouver des belles photos pour la pochette et le livret CD, écrire leur biographie…

Pareil pour d’autres avec lesquels je n’avais que des rapports épistolaires, de par la distance qui ne nous permettait pas de nous voir ou qui étaient décédés avant que je ne puisse les rencontrer, mais dont je connaissais les enfants ou ayants droit : Davia, Le Chanteur Sans Nom, Nila Cara, Maria Lopez, Evelyne Dorat, Catherine Maisse, Lys Assia, Catherine Caps, Jean Chevrier, Roger Gerlé… Au départ, j’ai investi de l’argent pour cela. Ensuite, Marianne Mélodie m’a aidé et a pris le relais. J’ai continué jusqu’au bout à réaliser ce genre de compilations de pépites et perles rares : Caroline Cler, Aïda Aznavour, Anny Flore, Anny Gould, Micheline Dax, Frédérica, Georgette Plana, Guy Marly, Jacqueline Ricard, Jacqueline Boyer, Jacqueline Danno, Janine Ribot, Jean Bretonnière, Lucie Dolène, Lucien Lupi, Lucienne Vernay, Mistigri, Paul Péri, les Peters Sisters, Pierre Miguel, Simone Langlois, Zappy Max… Ou encore Anna Marly, compositrice du "Chant des Partisans", qui habitait en Alaska. Grâce au téléphone et au courrier, j’ai pu échanger avec cette grande dame, dont les chansons de la Résistance résonnent en moi d’une manière indescriptible. Je n’oublierai jamais nos échanges. J’ai bouclé la boucle d’une manière non intentionnelle avec le ténor Jean Planel, né à Montélimar comme moi. J’avais connu ses deux filles quand j’étais ado, une exposition avait été réalisée à la médiathèque municipale de Montélimar et il a logiquement fait partie des artistes que j’allais collectionner et aimer. Le hasard a voulu que le dernier CD que je réalise dans la collection "78 tours et puis s’en vont" soit celui consacré à Jean Planel, voix de mon enfance. J’aime bien cette coïncidence.

 

Vous nous parlez ici d’un répertoire très ancien mais n’avez-vous pas dû "rajeunir" un peu vos compilations au vu de la clientèle qui change et du temps qui passe ?

 

Bien sûr ! Je me suis adapté très vite, d’autant que j’aime autant les années 70 que les années 30. En 2003, les artistes rétro intéressaient encore une partie de la clientèle, dix ans après c’était moins évident, aujourd’hui c’est fini. Les grands-parents actuels sont nés avec les années 60-70, leurs souvenirs personnels ne correspondent pas à Tino Rossi et Luis Mariano. J’ai réalisé beaucoup de compilations années 60-70 avec le même enthousiasme et la même inspiration, mais aussi la même philosophie, à savoir ne pas toujours rééditer les mêmes titres et les mêmes artistes, mettre en lumière les méconnus et oubliés, aussi parce que ces artistes-là ont eu un ou plusieurs tubes à l’époque qui sont restés dans la mémoire collective.

Le mécanisme est néanmoins différent : pour ce qui est ancien, je n’avais pas de droits particuliers à demander, les enregistrements jusqu’au 31 décembre 1962 étant tombés dans le domaine public. Par contre, pour tout ce qui vient ensuite, il me fallait mettre en place un très gros travail de demandes de licences auprès des majors ou des labels propriétaires des masters. Parfois c’était simple, parfois plus compliqué, lorsque les contrats d’époque n’étaient pas préalablement identifiés dans une base de données, ou tout simplement étaient perdus. J’ai souvent dû me battre pour obtenir gain de cause. Quelquefois avec l’appui des artistes concernés, quelquefois sans. Ça n’a l’air de rien quand on a le CD tout beau tout neuf dans les mains mais un coffret de 3, 4, 5 ou 10 CD peut nécessiter des mois voire des années d’échanges de mails avant d’être complètement validé et prêt à partir en fabrication.

Disons-le aussi, selon l’interlocuteur que j’avais, que ce soit au service back catalogue ou au service juridique, en fonction des maisons de disques, ou j’avais affaire à des gens sensibles et concernés par la sauvegarde de leurs masters, ou j’étais l’emmerdeur de service qui venait demander des choses archaïques impossibles à retrouver, alors que c’est leur rôle de le faire. Une fois j’ai entendu : « Oh non, vous allez encore nous demander de descendre à la cave pour rechercher un contrat ? » Ce à quoi je répondais : « Est-ce ma faute s’il n’est pas rentré dans votre base ? Oui j’envisage bel et bien de rééditer tels titres de tel artiste. Selon la politique de votre maison, il vous faut un contrat sur lequel vous baser. Donc oui, je vous le demande, je vous prie de bien vouloir retrouver le contrat ou le label copy en question pour me permettre d’incorporer à mon projet les titres souhaités. » Et là, on était sur des rapports courtois ! Cela n’a pas toujours été le cas… Mais j’ose le dire, j’ai toujours obtenu ce que je voulais. Parce que je suis un gentil, parce qu’au fil du temps, j’ai construit une réputation solide pour Marianne Mélodie et pour moi-même et, enfin, parce que j’ai rencontré majoritairement des interlocuteurs qui avaient bien compris ma démarche. Ajoutons à cela que j’utilisais des masters d’artistes qu’ils ne travaillaient pas ou plus, cela ne les privait donc de rien, il n’y avait pas de concurrence, puisqu’ils ne faisaient quasiment plus de CD physique, contrairement à Marianne Mélodie. C’est aussi comme ça que j’ai fait grandir Marianne Mélodie, soit en apportant des thématiques originales à son propre catalogue, soit en faisant venir des artistes chez Marianne Mélodie, pour un ou plusieurs projets spécifiques.

 

Quels sont justement les artistes qui ont eu vos préférences ?

 

Cela a commencé en 2007, lorsque j’ai entamé une nouvelle collaboration avec Universal Music France. J’ai mis en place une nouvelle collection, ''Chansons Tendres'', dont le but était de rééditer en CD des best of d’artistes introuvables ou des compilations thématiques. Ca a démarré avec Patricia Lavila et ''Toutes mes années 60 70 / Vos 45 tours retrouvés'' qui ont super bien fonctionné (plus de 10.000 CD vendus). Puis Demis Roussos (en français), Alain Barrière, Rika Zaraï (dont rien n’existait sur le marché), Vicky Leandros, Romuald, Danielle Licari, Monty, Nicole Rieu, Shake, Stone, Isabelle Aubret, Marcel Amont, Bob Azzam, Nicole Croisille, Line et Willy… et ''L’Eurovision en Français'', "Comme ils disent" en soutien à la cause LGBT, "Toutes nos bêtes sont à aimer" en soutien à la cause animale, "Ils chantent Jean-Jacques Debout"… et des dizaines d’autres.

Pareillement dès 2008, en collaboration avec Warner Music France, j’ai réalisé d’autres anthologies (François Deguelt, Marie, Eve Brenner, Théo Sarapo) et intégrales d’artistes majeurs tels Gilbert Bécaud, Line Renaud, Édith Piaf, Charles Trenet, Annie Cordy, Charles Dumont, Tino Rossi, Hugues Aufray, Georges Jouvin, Linda de Suza, le coffret anniversaire Podium pour les 50 ans de la création du magazine de Claude François, et tout dernièrement "We love Paris", un coffret 5 CD en écho aux J.O. de 2024 qui, je l’espère, va séduire les touristes présents dans la capitale cet été.

Avec l’INA, les archives de l’Institut National de l'Audiovisuel, j’ai également réalisé plusieurs documentaires DVD d’archives sur des artistes chers au public : Annie Cordy, Luis Mariano, Francis Lopez, la cantatrice Mado Robin ou encore Paulette Merval et Marcel Merkès, rois de l’opérette française, un DVD Marie Laforêt, un double DVD Serge Lama main dans la main avec l’artiste (80 chansons pour fêter ses 80 ans), le dernier DVD étant celui consacré à Rika Zaraï (60 chansons pour 60 ans d’amour). Sans oublier les DVD concepts à succès "L’Eurovision en français", "Les grands séducteurs de la chanson des années 70", "Les demoiselles de la chanson des années 70", "Soirée de rêve au music-hall"… J’adore faire ça, je le fais d’une manière presque innée.

 

Les majors ont donc fait appel à vos services ?

 

Oui, pour des projets bien spécifiques, je n’ai jamais refusé de prêter mon expertise. C’est comme un devoir pour moi, une évidence. Par exemple lorsque Emmanuelle Béart m’a demandé de superviser l’intégrale de son père Guy Béart sortie chez Universal pour les 5 ans de sa disparition. En parallèle de mon temps de travail normal, je n’ai jamais laissé passer un jour férié, un weekend, même mes vacances ont toujours été consacrées à mon travail-passion, à ma passion-travail. C’est naturel pour moi de répondre favorablement à toute demande en lien avec la chanson. Cela va du simple prêt de 45 tours de Chantal Goya pour son propre coffret intégral au conseil pour des projets qui ne sont pas miens, donner des contacts, donner des réponses, donner des clés. Toute ma vie j’ai donné des informations à plein de gens, pour leur faciliter la tâche. Sans en attendre forcément un retour. C’est naturel chez moi. Je suis un homme de communication, dans le partage et la transmission. Si bien que, très vite, on m’a sollicité de toutes parts. J’aime bien, cela me fait plaisir, j’existe pour ce que je suis et ce que je fais.

 

Quels sont vos projets favoris, ceux que vous regardez avec émotion et tendresse ?

 

Il y en a beaucoup, mais il est vrai qu’une poignée d’entre eux évoque des sentiments plus forts que d’autres. Immédiatement je pense à la grande chanteuse Régine que j’ai rencontrée en juillet 2019. Six mois plus tard, je sortais l’intégrale de ses enregistrements, à l’occasion des 90 ans de Régine. Dans un écrin contenant 245 chansons, j’ai imaginé 10 CD déposés sur un boa en plumes rouges, en hommage au boa de la Grande Zoa, l’un de ses plus grands succès. C’est un projet que j’ai beaucoup cogité. Un matin, je me suis réveillé avec cette idée : placer les 10 CD sur un boa de plumes rouges, comme sur un nid d’oiseaux. Je n’ai pas lâché le morceau et, encore une fois, j’ai eu gain de cause auprès de ma direction qui a donc dû commander 1000 boas pour satisfaire ma folie créatrice ! Je n’oublierai jamais l’instant où je suis arrivé chez Régine, le coffret dans les mains. Elle était comme une enfant à qui on offre son cadeau de Noël. Ses yeux étaient pétillants comme jamais, son sourire, sa joie, c’était magnifique. Quand elle a ouvert la boîte, elle était émerveillée, tellement heureuse. Et moi encore plus. Ça, c’est un moment de vie extraordinaire.

Grâce à Régine, j’ai pu approcher le grand Serge Lama. J’avais deux idées qui, grâce à Dieu, ont séduit l’homme : un double CD réunissant Serge Lama et son père Georges Chauvier, artiste lyrique des années 50, et un double DVD pour célébrer ses 80 ans, réunissant 80 chansons de son répertoire à partir des archives de la télévision. Au risque de me répéter, j’ai à nouveau eu face à moi une Star dont la simplicité et la gentillesse m’ont tellement impressionné. En parallèle, il m’a aidé à atteindre Alice Dona, quelque peu sauvage, qui ne répondait pas à mes messages. Je lui ai dit combien j’aimais son œuvre. J’ai profité de l’été pour la rencontrer, elle m’a reçu chez elle dans le Vaucluse. Coup de foudre immédiat. Et elle a été heureuse et fière du coffret que j’ai réalisé pour elle.

Parmi mes "bonnes idées", il y a eu, en 2019, le best of de Michou pour ses 88 ans. Pareillement je suis allé le trouver pour lui proposer l’idée d’une compilation réunissant ses 45 tours des années 70-80, sortis à l’époque d’une manière assez discrète et dont il n’existait rien en CD, bien évidemment. Là encore j’ai vécu des moments incroyables chez lui, l’apothéose ayant été son anniversaire au cabaret, le dernier avant sa disparition. Egalement ma très chère Marie Paule Belle, je lui ai proposé de réunir ses premiers enregistrements dont le tout premier 45 tours CBS, introuvable. Marie Paule est une rencontre humaine comme je n’en ai pas connu beaucoup dans ma vie. Elle est dans mon Top 3 dans mon cœur.

Autre idée : réunir pour la première fois dans un coffret Dave et Patrick Loiseau, qui s’apprêtaient à célébrer leurs 50 ans de chansons mais aussi les 50 ans de leur couple. J’ai aimé la simplicité de ces deux garçons, ils m’ont fait confiance, ça a matché direct. Un jour, Marie Myriam que je ne connais pas, me téléphone pour me parler d’un jeune talent. Je lui réponds : « Je ne fais pas les jeunes talents, ce n’est pas tout à fait mon métier chez Marianne Mélodie. Par contre, je m’aperçois que vos premiers enregistrements n’ont jamais été réédités. Pourquoi ne pas faire un double best of des enregistrements originaux à l’occasion des 45 ans de votre victoire à l’Eurovision ? » Elle me dit n’avoir jamais pu le faire, faute des droits. Je me suis engagé immédiatement à le faire. Et de là, une nouvelle amitié était née.

Autre artiste cher à mon cœur, Hervé Vilard, un vrai amoureux des chanteuses et des chanteurs de notre patrimoine. J’ai eu l’idée de lui proposer un double CD qui serait, en quelque sorte, sa playlist idéale. On s’est beaucoup amusé à le faire, cela nous a beaucoup rapprochés. J’aime beaucoup Hervé, il m’amuse autant qu’il m’émeut. J’ai aussi voulu réaliser une sorte d’intégrale d’Il Etait Une Fois en écho aux 50 ans de la naissance du groupe, qui propose la totalité de leurs enregistrements mais aussi (et enfin !) les titres de Joëlle enregistrés en solo après la dissolution du groupe. J’ai même déniché quelques inédits de ce groupe emblématique, que je n’ai pas manqué d’incorporer au coffret CD. Je partage tout, je suis un collectionneur bibliothèque non un collectionneur placard, pour reprendre la formule de Sacha Guitry, il me semble. Je ne peux énumérer ici tout ce que j’ai fait pendant un quart de siècle mais je suis heureux d’avoir réussi à réaliser un coffret très attendu de tous les titres de Stone et Charden / Eric Charden période Charles Talar, sachant que, là encore, pour des questions de droits, de contrats et autres freins, rien n’avait été véritablement proposé jusqu’alors au public. Il s’agit de mon dernier gros ouvrage chez Marianne Mélodie mais je n’ai pas dit mon dernier mot. Car d’autres CD sur lesquels j’ai travaillé vont sortir d’ici la fin de l’année dont, entre autres, un double CD David Alexandre Winter.

Quand je me tourne vers ce passé ô combien prolifique, je suis fier de mon travail. Il m’a permis de faire de très belles rencontres artistiques et humaines qui perdurent dans le temps. Je repense irrémédiablement à Annie Cordy, Line Renaud, Aïda Aznavour, Charles Aznavour, Georgette Plana, Anne Marie David, Charlotte Julian, Rika Zaraï, Léo Marjane, Suzy Delair, Danielle Darrieux, Lily Lian, Marie-José, Micheline Dax, Nicole Rieu, Sophie Darel, Yvette Horner, Claude Véga, Jacqueline Boyer, Rosy Armen, Monty, Jacqueline Dulac, Julio Iglesias, Carlos, José Todaro, Philippe Clay, Shake, Tereza, Virginia Vee, Rosalie Dubois, André Verchuren, Fred Mella, les compositeurs Henri Bourtayre et Hubert Giraud, le chef d’orchestre du Moulin Rouge Pierre Porte… Et bien d’autres encore, Pierre Charby, Yves Jouffroy, Gilles Olivier, Christopher Laird, Anne Vanderlove, Giani Esposito, Roméo, Gérard Layani, Rachel, Robert Miras, Michel Orso, Jean-Pierre Savelli, Maya Casabianca, John William, Christophe Delagrange, Caroline Verdi, Betty Mars, Jairo, Laurent Rossi, Frida Boccara, Crazy Horse, Alain Delorme, Franck Fernandel, Georges Moustaki, Charles Dumont, Julie Bataille, Maria Rémusat (maman de Julien Lepers), Germaine Ricord, Fabienne Thibeault, Pierre Billon (fils de Patachou)… Des noms qui me font rêver ! Mais aussi mes amis ayants droit de Jean Sablon, de Marie Dubas, de Tino Rossi, de Fernandel… et des grandes personnalités du monde de la chanson que j’admire, Gérard Davoust par exemple. Mon dicton : TTC. Travail – Talent – Chance. S’il vous en manque un, vous ne réussissez pas. J’ai sans nul doute eu de la chance, mais à côté de cela, j’ai beaucoup travaillé. Beaucoup, beaucoup, beaucoup. Le talent (je pense en avoir un peu) m’a juste fait gagner du temps.

 

Avez-vous, un jour, trouvé un disque que vous ne pensiez jamais trouver ?

 

Oui. La matrice "Complainte du Roy Renaud" enregistrée en 1946 par Edith Piaf et les Compagnons de la Chanson, une sorte de test-pressing disparu depuis 71 ans, et qui m’a été vendue par un collectionneur suisse qui venait de l’acheter sur Ebay ! Le Graal suprême retrouvé et à vendre sur Internet, on croit rêver. Le destin a voulu que cette galette atterrisse chez moi. Et c’est une chance car, dans les mains de quelqu’un d’autre, elle n’aura peut-être pas eu le même destin. Peut-être serait-elle égoïstement conservée dans un tiroir, peut-être serait-elle partie à l’autre bout du monde dans une collection inaccessible… Dans mes mains, aucun danger, je sais quoi en faire et c’est un bon usage. Elle a été publiée en 2017 avec l’accord de Warner Music France et des ayants droit de la chanteuse, sur une compilation CD, j’ai même eu le plaisir d’en parler à la télévision, au journal télévisé ! Un inédit de Piaf, ça ne se trouve pas tous les jours.

 

Est-ce que vos compilations CD existent également en téléchargement ?

 

Non, pas tout. Le domaine public, oui. Mais ce que j’ai réédité en CD d’après les catalogues des majors ou autres labels n’existe pas forcément en digital. Nous n’avions les droits que pour une compilation CD physique donc impossible de mettre la même compilation en téléchargement. C’est donc aux labels concernés de le faire mais ils ne le font pas forcément, surtout lorsqu’il s’agit d’artistes moins connus, de "petits noms" qu’ils considèrent, à tort, comme "moins commercial". C’est dommage. Quelquefois on m’écoute, quelquefois on m’entend. Ce qui n’est pas du tout la même chose. Mais je ne peux pas être partout et obliger les autres à faire ce qu’ils n’ont pas envie de faire.

 

Vous arrive-t-il, encore aujourd’hui, de retrouver ou de contacter des "nouveaux" artistes de ces années-là ?

 

Mais oui, tout dernièrement, Gérald Wagner par exemple ! Premier coup de fil de lui le 8 janvier. Et depuis, on s’appelle toutes les semaines ! J’ai eu un choc immense en découvrant ses disques et sa voix, extraordinaire ! Haute, puissante, tout ce que j’aime. Il a participé à de grandes comédies musicales telles que "La Révolution Française", "Mayflower", "Les Misérables". Ses enregistrements m’accompagnent désormais et en plus de cela, il est un homme bon, généreux, rare. Devenu coach vocal par la suite, il a réussi à redonner de la voix à des chanteurs ou comédiens qui en avaient besoin, grâce à une technique personnelle. Tous ses élèves, sans exception, ont dit à Gérald Wagner combien il avait été indispensable dans leur parcours, Louis Bertignac y compris, je les ai tous entendu témoigner ! J’aurais aimé réaliser une compilation CD de Gérald Wagner mais je ne le peux plus. A défaut, je l’ai invité à la radio où j’ai pu le mettre à l’honneur et diffuser ses chansons. J’adore admirer les gens qui ont du talent, et j’adore le dire haut et fort. C’est viscéral. Cela a été le cas, par exemple, pour Yvette Leglaire, un personnage haut en couleurs que j’ai voulu accompagner à un moment donné, parce que son talent m’a interpellé et son spectacle m’a fait beaucoup rire. J’ai réalisé un DVD de ses meilleures performances, toujours dans le même but. J’admire le talent donc je veux le montrer à tout le monde, le partager. Seul, on n’est rien.

 

Vous faites de la radio ?

 

Oui, depuis janvier, sur Vivre FM à Paris qui m’a accueilli les bras ouverts. Mon émission est diffusée le samedi et le dimanche à 10 heures et s’appelle "Chante avec moi", je reçois un ou plusieurs invités et, évidemment, on parle chansons. J’adore cet exercice, c’est vraiment fait pour moi. Il paraît que j’ai la voix pour, alors aucune hésitation. J’aurais pu commencer beaucoup plus tôt mais c’est bien que cela arrive maintenant dans ma vie. J’ai reçu des artistes avec qui j’ai réalisé des projets ou des gens du métier à qui je voulais donner la parole. Célèbres ou non, qu’importe, je m’en fiche. Il me plaît de donner la parole à ceux que les médias boudent sous prétexte qu’ils ne sont pas connus. J’ai souffert de cette indifférence, je sais de quoi je parle.

 

Avez-vous des contacts avec d’autres personnes qui ont fait ou font le même métier que vous ?


Pour ainsi dire, c’est un petit milieu où tout le monde se connaît, ou presque, dans lequel je n’ai aucun ennemi. Par contre, je connais quelques personnes jalouses qui ne m’aiment pas, ça, je n’y peux rien. Cela ne m’a pas empêché d’avancer ni de créer encore et encore. Pendant que certaines personnes se glorifient d’avoir réalisé 3 compilations dans leur parcours, moi j’en ai fait 300. Pendant que certaines personnes inondent les réseaux sociaux dans l’attente de commentaires élogieux, de compliments pour s’auto-féliciter de leur petite personne, moi je suis dans l’action. Internet ne me sert qu’à annoncer ce qui doit être annoncé, je ne cherche pas le compliment à tout pris, même si celui-ci me fait très plaisir, évidemment. Je suis à ma manière un artiste, donc un sensible qui a besoin de reconnaissance. Mais je le répète ici, c’est uniquement la reconnaissance du travail bien fait qui m’importe. Sinon j’ai quelques amis qui partagent la même passion et ils sont primordiaux dans ma vie. Bruno, Daniel, Christophe, sont mes amis parce qu’ils aiment la chanson. Sinon ils ne le seraient pas. Tout comme vous, cher Raoul, dont j’apprécie grandement la revue JE CHANTE, vous êtes un passionné en même temps qu’un bosseur. Ça, j’aime, j’achète !

 

Qu’envisagez-vous de faire à partir de maintenant ?


J’ai 46 ans, la tête sur les épaules, et toujours autant d’énergie pour créer, réaliser, donner naissance, mettre en avant, mettre en lumière, etc. On me dit que j’ai une expertise, un savoir, un savoir-faire, alors puisqu’aujourd’hui, je suis libre, je suis disponible à qui souhaitera l’exploiter.

 

Une devise ?


Je conserve le passé et travaille pour l’avenir. 



Quelques réalisations de Matthieu Moulin

chroniquées dans JE CHANTE MAGAZINE :



Précédentes interviews de Matthieu Moulin

parues dans JE CHANTE MAGAZINE :


Interview parue dans le n° 9/10 de décembre 2013 (pages 86-87)


Interview parue dans le n° 19 de décembre 2021 (pages 70-71)





2 komentarze


djeffguyongellin
21 cze

Mille merci à vous mon cher Mathieu

Vous avez fait beaucoup d'heureux dont je fais parti

Longue route au vous

Et je suis convaincu que l'on se retrouvera pour d'autres aventures

Prenez soin de vous

😉👋Djeff

Polub

Gerald Wagner
Gerald Wagner
20 cze

J ai découvert Marianne mélodie et le travail extraordinaire et exceptionnel de Matthieu Moulin. Personne rare.

Polub
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