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Charles Aznavour en 2017 : "Une chanson doit être pensée avant d'être écrite"


Créé en 1958, le « Walk of Fame » (littéralement « Promenade de la célébrité ») est un trottoir situé sur Hollywood Boulevard, dans la banlieue de Los Angeles, le long duquel sont posées des dalles portant le nom des célébrités honorées... Le 24 août 2017, Charles Aznavour était la 2618ème personnalité du monde du spectacle à recevoir son « étoile »... Infatigable Aznavour ! À plus de 93 ans, le chanteur continue de se produire sur les scènes du monde entier (Israël, Bulgarie, Autriche...). À la fin de l'année 2017, il entame une série de concerts à Paris à l'AccorHotels Arena qui sera suivie d'une tournée dans plusieurs villes de France... En cette rentrée, il publie aussi chez Don Quichotte un nouveau livre, Retiens la vie. Deux autres biographies sont annoncées : l'une signée Bertrand Dicale (Tout Aznavour, chez First), l'autre, Robert Belleret (Vie et légendes de Charles Aznavour, L'Archipel, à paraître en janvier 2018). Au mois de mars, nous avions sollicité Charles Aznavour pour évoquer la carrière de Jacques Plante, un de ses auteurs favoris. Au cours de cet entretien, Charles Aznavour mentionne aussi les paroliers étrangers qui ont adapté ses chansons dans plusieurs langues. Il égratigne au passage la télévision d'aujourd'hui et évoque une petite « brouille » avec Gilbert Bécaud...

Avec Jacques Plante, vous avez écrit une trentaine de chansons...

Pour moi, Jacques Plante a été le plus grand parolier. Il y en a eu d'autres, mais lui ne faisait pas que des chansons : il se mettait aussi dans la « couleur » de l'artiste. Quand il écrivait une chanson, si je la prenais, c'est parce qu'elle me ressemblait. La Bohème, ça me ressemble. Pour For me... formidable, j'avais donné juste le titre et la première phrase : « You are the one for me, for me, for me, formidable... » Je ne savais pas quoi écrire et c'est lui qui a fait la chanson. Pareil pour Nous nous reverrons un jour ou l'autre : je ne lui ai donné que le titre, car je ne trouvais pas la suite. Et dans ces cas-là, moi, je ne prends pas la moitié des droits comme beaucoup...

En ce qui concerne Les Émigrants, j'avais seulement écrit le premier couplet et le refrain. Plante a écrit les autres couplets. Alors, on l'a signée ensemble. Chaque fois que l'on a signé ensemble une chanson, c'est parce que j'avais commencé à l'écrire et que je n'avais pas fini. On a toujours travaillé de cette façon-là, en toute liberté. Nous étions très complices dans l'écriture. On pouvait se critiquer tout en s'amusant. Jacques avait un grand talent et il avait un talent d'imitation. Je veux dire par là que lorsqu'il écrivait pour quelqu'un avec lequel il collaborait, il se mettait à sa place. Il employait des mots que j'aurais employés.

Y'a-t-il des textes que vous avez un peu corrigés ?

Non, mais, par exemple, Jacques était venu me voir un jour avec une chanson qui commençait par « Viens voir les étudiants ». Je lui ai dit : « Mais ça n'intéressera personne ! » Il m'a dit « Bon ! » et il est reparti. Puis il est revenu avec « Viens voir les comédiens »... Quand il a écrit Ma petite folie pour Line Renaud, on n'avait pas l'impression que c'était lui. Il travaillait là pour une autre personne. Il était toujours en situation avec ce que la personne représentait.

Il s'adaptait bien à l'interprète...

Oui, il savait s'adapter aux artistes, il ne faisait pas qu'écrire. Pierre Delanoë est un très grand auteur. Lui aussi faisait ça, mais il ne se mettait pas à la place...

Jacques Plante n'était pas quelqu'un qui se mettait en avant. On sait peu de choses sur lui...

Vous savez sans doute qu'il aimait les papillons ? Il faisait la chasse aux papillons et avait découvert des espèces qu'on ne connaissait pas. Il leur avait donné des noms et collaborait à un magazine sur les papillons. Et finalement, je crois qu'il a laissé sa collection à la Suisse. C'était un homme très cultivé, ce qui n'est pas mon cas. J'étais un ignare total, mais il s'entendait quand même bien avec moi. Sans doute parce qu'il sentait que j'avais envie d'apprendre, de connaître, de savoir...

Vous l'avez connu à quel moment ?

Je l'ai connu pendant la guerre. Il a dû venir au Club de la Chanson, rue de Ponthieu, c'était sûrement un habitué. C'est là qu'on a fait connaissance. À l'époque, je n'écrivais pas du tout.

Sarah est une des premières chansons que vous avez faites ensemble. C'était en 1958.

Il m'est arrivé souvent de prendre un texte qui avait été refusé par d'autres. Avec Jacques Plante, j'ai eu Sarah ; avec Jacques Mareuil, j'ai eu Trousse-chemise. D'autres compositeurs avaient refusé ces deux chansons. Même La Mamma avait été refusée : personne ne voulait en faire la musique ! Moi, je regardais toujours ce qui « tombait » et je faisais la musique. Surtout qu'à l'époque, j'étais auteur et pas compositeur.

Sarah, vous ne l'avez pas tout de suite chantée vous-même.

Non, c'est ma sœur qui l'a d'abord chantée puis enregistrée. Moi, je ne l'ai fait que beaucoup plus tard. C'est un beau texte. Quant à La Bohème, je n'ai pas honte de le dire, c'est une des deux ou trois meilleures chansons de mon tour de chant. 

Je déplore qu'aujourd'hui on ne cite plus les auteurs et les compositeurs des chansons... Sur scène, Piaf le faisait toujours : « D'Henri Contet et de Marguerite Monnot » et elle annonçait le titre. Ce serait plus qu'élégant de le faire et je trouve très inélégant de ne pas le faire... Maintenant, quand on annonce une artiste à la télévision, on dit bêtement : « Elle va vous chanter une chanson de Dalida », mais Dalida n'a jamais écrit un texte de chanson ! On fait ça pour la plupart des artistes. Cela prouve la bêtise des gens et aussi que les artistes sont des ingrats !

Moi, quand je chante en public, j'aime citer les gens avec qui j'ai collaboré. Je ne le fais pas souvent, parce que ce n'est plus une habitude et que, dans mon tour de chant, ça se résumerait à trois noms, essentiellement des compositeurs : Pierre Roche, Gilbert Bécaud et Georges Garvarentz. Et accessoirement un autre nom. Mais je trouve agréable de pouvoir dire au public leurs noms.

Dans une émission à la télévision, j'avais dit que je regrettais que l'on ne citait pas les auteurs qui font les succès. Car ce ne sont pas les chanteurs qui font les succès. Sans une bonne chanson, un bon chanteur n'est pas un bon chanteur.

C'était dans votre émission Hier encore ? Il y en a eu six, de septembre 2012 à janvier 2015.

Oui, et ça s'est arrêté. Et puis, on a été très imité... Et moi, si on m'imite, je m'en vais !

Ce qui était intéressant dans Hier encore, c'est que des chanteurs actuels se révélaient souvent d'excellents interprètes des grandes chansons du patrimoine, loin de leur style habituel...

Je pars du principe que c'est « le matériel » qui compte. De Piaf, j'avais dit une fois, et elle avait ri : « Pour une bonne chanson, elle aurait tué père et mère ! »

Dans cette émission, des jeunes femmes comme Élodie Frégé ou Shy'm avaient très bien interprété des chansons du répertoire de Piaf...

Vous voyez, vous avez dit « du répertoire de Piaf » ! Et pourtant, elle était aussi auteur. Mais les gens disent « une chanson de Piaf », ce n'est pas difficile de dire « du répertoire de Piaf ». Seulement, ça les obligerait à dire qui l'a écrite...

Pour donner l'impression qu'ils en sont les auteurs ?

Souvent, oui. Il y en a même qui ont cosigné. Pierre Delanoë cosignait facilement...

À propos de La Bohème, vous n'avez rien modifié ou ajouté au texte de Jacques Plante ?

Jacques Plante était venu me voir avec le couplet : « Je vous parle d'un temps... ». J'ai fait la musique tout de suite. Et il a fini son texte sur la musique... Mais pour d'autres chansons, il arrivait souvent avec le texte entièrement terminé. Je n'ai jamais rien eu à corriger de Jacques Plante.

La Bohème n'avait pas été écrite pour la comédie musicale Monsieur Carnaval. Elle a été ajoutée...

Quand Maurice Lehmann, le directeur du théâtre du Châtelet, a entendu la chanson, il s'est écrié : « Je veux ça dans la comédie musicale ! »

Le thème de Monsieur Carnaval, c'était quoi précisément ?

Ça racontait un voyage à travers le monde. C'était dans le pur esprit du Châtelet.

Frédéric Dard est l'auteur du livret...

Mais nous étions déjà très amis avant de commencer Monsieur Carnaval. Et nous le sommes devenus encore plus par la suite. À Genève, on habitait presque face à face.

Monsieur Carnaval a marché ?

Ça n'a pas été un succès mondial, le sujet n'était pas suffisant, mais ça a bien marché.

Les autres chansons étaient du même niveau ?

Ne le dites pas, mais je ne crois pas !... La Bohème ne s'intégrait pas à la comédie musicale parce qu'il n'y avait aucune raison. Mais on avait trouvé une astuce... On a ajouté une scène qui se déroule dans un aéroport et c'est là que la chanson est chantée par Georges Guétary.

Vous avez fait Douchka un peu plus tard.

Pour Douchka, j'avais écrit les textes et Georges Garvarentz avait fait les musiques. Dans les comédies musicales, j'ai écrit les paroles dans l'une et la musique dans l'autre... Jamais les deux ! Mais je viens de le faire avec My Paris, une comédie musicale inspirée de la vie de Toulouse-Lautrec et du Paris de l'époque, qui a démarré aux États-Unis. Là, j'ai fait paroles et musiques.

La chanson Camarade que vous avez enregistrée en 1977 vous avait été proposée par Jacques Plante. Il était un peu... anticommuniste ?

Il n'était rien du tout, il avait seulement trouvé une bonne idée ! Je fais ça aussi : on part d'une bonne idée et on écrit une chanson. Chez Brassens, c'était peut-être un peu plus engagé, mais ce n'était jamais politique. Chez Béart, c'était un peu plus engagé aussi, dans quelques chansons. Mais Plante n'était pas engagé du tout. Moi non plus, d'ailleurs.

Jacques Plante a eu une carrière très longue, avec d'énormes tubes sur trois décennies...

Oui, il est quand même l'auteur de trois ou quatre mille chansons... On oublie qu'il a écrit énormément d'adaptations de chansons étrangères, comme J'entends siffler le train. Je fredonne souvent Domino, une très jolie chanson d'amour qu'il avait écrite sur la musique de Louis Ferrari.

En 1962, Jacques Plante accumule les succès : J'entends siffler le train, Chariot, Les Comédiens, Un Mexicain...

Dans Un Mexicain, j'avais ajouté quelque chose qui a beaucoup amusé Marcel Amont : la répétition de l'expression « en guise ». Ce n'est pas moi qui allais la chanter, mais je pensais que ça aurait été bien pour lui. C'est l'une des deux ou trois fois, je crois, où j'ai ajouté quelque chose à un texte que j'avais mis en musique.

Dans La Mamma de Robert Gall, j'ai ajouté les « Ave Maria » qui n'y étaient pas. C'est-à-dire qu'on a besoin tout d'un coup que l'on relance la chanson. Je suis assez expert en chansons. Je suis aussi assez emmerdeur : avec moi, les traducteurs et les adaptateurs souffrent !

Charles Aznavour avec Herbert Kretzmer à Londres. Photo : David Sandison (Independent).

Herbert Kretzmer n'était pas parolier quand je l'ai connu. Il était journaliste et était venu m'interviewer pour le magazine pour lequel il travaillait. Il était Sud-Africain, je crois, d'origine polonaise juive, et quand je l'ai entendu parler, je lui ai dit : « Vous n'avez jamais écrit de chanson ? » Il m'a dit : « Oui, une seule, mais ça n'a pas marché... » Je lui ai demandé : « Vous ne voudriez pas traduire une des miennes ? » Il y avait La Bohème dans la pile, il a pris La Bohème et il en a fait l'adaptation anglaise. Pour She, j'avais écrit ce qu'on m'avait demandé – c'était pour une série anglaise à la télévision –, et Herbert Kretzmer a fait une synthèse formidable.

Cette chanson a eu beaucoup plus de succès dans sa version anglaise...

En français, Tous les visages de l'amour n'a pas fait de succès du tout ! On parle beaucoup de Comme d'habitude, mais on chante surtout My way dans le monde...

Étant moi-même auteur, j'ai toujours été plus proche des auteurs que des compositeurs. Et ce n'est que lorsque je n'ai plus eu de compositeurs que je me suis mis à écrire mes musiques. Certains titres comme She ou Comme ils disent ont connu un succès planétaire. Je pars du principe qu'un bon texte a une musique interne, elle existe, elle est là. Un texte a une couleur, une valeur, un poids... 

Vous avez souvent dit que la première phrase d'une chanson était très importante...

C'est valable dans toute forme d'art. Dans la peinture, c'est le premier coup de pinceau ou de crayon qui compte... Pareil pour la sculpture. C'est vrai dans tout, dans un livre, dans un film, dans une série...

Dans vos chansons, il y a des « départs » qui sont très marquants. On entre tout de suite dans le sujet, dans l'histoire...

Oui, c'est important. Il faut trouver la phrase... Quand j'ai écrit Ils sont tombés, des amis juifs m'ont dit : « On a cru que c'était pour nous ! »

Jusqu'au tout dernier mot (« Puisqu'ils étaient fautifs d'être enfants d'Arménie... »), le doute est effectivement permis...

Oui, parce que c'est la même chose. Et je m'étais promis d'écrire un jour une chanson sur la Shoah, mais il me fallait trouver un angle, une formule. Je les ai trouvés difficilement. J'ai pu faire la chanson lorsque j'ai trouvé la phrase « Ce que l'homme fait à l'homme / L'animal ne le fait pas ». La formule était arrivée.

Une chanson doit être pensée avant d'être écrite. Et la plupart du temps, les chansons sont écrites... avant d'être pensées. C'est-à-dire qu'on trouve un mot, une phrase... et on commence.

Vous avez affirmé écrire une chanson par jour, même si elle n'est pas bonne...

Mais je jette beaucoup ! Les deux choses les plus importantes pour la chanson, ce sont le dictionnaire de rimes et... le broyeur ! J'ai des broyeurs partout !

Votre dernier disque paru il y a deux ans s'intitulait « Encores », une formule employée par les Américains. Ça signifie quoi précisément ?

« Encores », ça veut dire tout simplement « bis ! ». Le prochain disque, je vais l'appeler « Signé Aznavour ». J'aime les titres, les formules, j'aime les choses qui restent, je ne suis pas un chanteur qui chante et qui s'en va. À la fin d'un tour de chant, je sais parfaitement ce qui n'a pas été bien, je sais ce qu'il faut refaire, ce qu'il faut changer... À mes débuts, le soir de la Première, quand je rentrais à la maison, je travaillais déjà pour l'année d'après... 

Je suis un « malade », mais on ne fait pas ma carrière sans faire tout ce que je fais, en se privant de beaucoup de choses et en apprenant aussi beaucoup de choses... Dans le temps, on chantait à l'étranger. Charles Trenet parlait anglais. Maurice Chevalier, quand il était prisonnier, en avait profité pour apprendre l'anglais. Piaf avait pris une Anglaise qui lui corrigeait les mots... Les chansons qu'elle chante en anglais, on les comprend parfaitement bien.

Aujourd'hui, ils veulent tous écrire en anglais mais ils ne savent pas l'anglais ! Or on n'écrit pas dans une langue étrangère qu'on ne connaît pas... Quand vous pensez qu'il y a des gens qui ont écrit de très, très belles chansons, et qu'ils n'ont jamais pensé à les faire traduire... Il fut un temps où l'on venait en France pour acheter des chansons !

J'ai eu plusieurs auteurs anglais qui ont traduit mes chansons : Marcel Stellman, Gene Lees, Dee Shipman. Plus d'autres qui se sont proposés d'eux-mêmes, comme Herbert Kretzmer ou comme Bob Morrison qui a adapté Sa jeunesse, Je m'voyais déjà et Non, je n'ai rien oublié...

En ce qui concerne les adaptations italiennes, j'ai eu la crême des traducteurs italiens : Mogol, Giorgio Calabrese... Pareil pour les versions espagnoles : j'ai eu Don Diego ou Rafael De Leon, qui est un grand poète. Moi, j'allais solliciter des gens auxquels on ne pensait pas. C'est comme ça que l'on fait une carrière. En réalité, et c'est ce que je pense, on ne fait que sa carrière et sa famille. Ses amis aussi, parce que les amis, pour moi, c'est aussi la famille.

Avec Bernard Dimey, vous avez signé un certain nombre de chansons. 

Avec Bernard Dimey, j'ai pris des textes et je les ai mis en musique. Et la plupart, ça a été après sa mort. Lorsqu'il a été très malade, il avait dit à sa femme : « Tu amènes mes textes à Charles. Je sais qu'il en fera quelque chose... »

Autrement, ce sont des paroliers occasionnels, sur un ou deux titres. Pierre Delanoë, par exemple...

Avec Pierre, on en a fait une ou deux. Bécaud lui avait dit : « Tu fais tout ce que tu veux, mais tu n'écris pas avec Charles ! »

N'y a-t-il pas eu une petite rivalité entre vous à l'époque de vos débuts respectifs ?

Je n'aime pas tellement en parler... En fait, c'est lui qui me l'a dit. Bécaud était jaloux de moi. Il l'a été quand il s'est rendu compte que j'étais capable d'écrire et les paroles et la musique... Je pense que sa jalousie a été une jalousie de l'auteur... qu'il n'a jamais été. Mais ce n'est pas une vraie jalousie et nous sommes restés en bons termes jusqu'au bout. On a eu un seul différend. Un jour, je lui avais dit : « On devrait faire un disque tous les deux, avec nos chansons... » Il n'a pas répondu et je n'ai plus jamais insisté... Plus tard, c'est lui qui me l'a proposé : « On devrait faire un disque... » Je n'ai rien dit, je n'ai pas répondu, j'ai fait la même chose que lui... Je n'oublie rien, mais je ne fais rien contre et je me venge comme ça. En vérité, ce sont de petites bêtises, c'est presque enfantin...

Vous faites une différence entre auteur et parolier ?

Oui, je fais une différence : le parolier peut écrire sur commande. Didier Barbelivien, qui est arrivé plus tard, est aussi un très grand parolier. Mais Jacques Plante était à la fois auteur et parolier.

Comme Eddy Marnay ou Jean Dréjac ?

Oui, mais ils n'ont pas fait la carrière de Plante et Delanoë.

Comment était l'homme Jacques Plante ?

C'était un homme agréable, intelligent. On pouvait passer tranquillement une journée entière avec lui sans s'ennuyer, en parlant du métier et de toute autre chose. Il lisait beaucoup, ce qui est toujours agréable, parce que moi, je ne connaissais que les auteurs russes. À la maison, on aimait les Russes. Je connaissais mieux Tchékov... Et puis les classiques : Molière, Corneille, Racine. Surtout Molière... Mon école, ce sont les autres. Par la suite, j'ai eu la chance de connaître Cocteau qui a apporté de l'eau à mon moulin. C'est ce que je préconise aux jeunes : allez voir les vieux, ils ont quelque chose à dire...

Dans les paroliers, il y avait aussi Jacques Larue. Il a écrit quelques très, très belles chansons. Il y en a une que j'avais retenue, c'était Avec ce soleil... [il cite les paroles]

Quelle mémoire !

Je n'ai la mémoire que des belles choses ! Je n'ai pas la mémoire des mauvaises.

Vous avez effectivement une excellente mémoire. On s'en rend compte en lisant vos livres...

Oui, j'ai retenu ce qu'un jeune auteur qui débute devrait connaître... Car c'est uniquement à travers ce qu'il va lire, écouter ou regarder qu'il va se construire... Notre métier devrait être un métier de gens curieux.

Vous semblez penser que ce n'est plus tellement le cas...

Ils ne sont pas curieux du tout ! Hélas pour eux. Alors, ils croient qu'ils font une chose nouvelle. Or, on n'a rien inventé dans la chanson depuis Trenet. De même que l'on dit qu'il y a un avant-Céline et un après-Céline, on peut dire qu'il y a un avant-Trenet et un après-Trenet.

Propos recueillis par Raoul Bellaïche

• Merci aux éditions Raoul Breton, à Gérard Davoust et à Charles Aznavour.

• Interview publiée dans JE CHANTE MAGAZINE n° 14 (2018), toujours disponible.

Hors-série Charles Aznavour : 116 pages (toujours disponible).

 

Les adaptateurs des chansons d'Aznavour :

En anglais :

• Marcel Stellman

• Gene Lees

• Dee Shipman

• David Newburge

• Herbert Kretzmer

• Bob Morrison

• Al Kasha - Joel Hirschhorn

• Bradford Craig

• Bob Morrison

En italien :

• Mogol

• Giorgio Calabrese

• Claudio Daiano

• Sergio Bardotti

• Lorenzo Raggi

En espagnol :

• Don Diego

• Rafael Gayoso-Zuber

• Desy Lopez

• Rafael De Leon

• Jaime Israel Mérida

• Alex Marco

• Alex Marco - Celia Cantellis

En allemand :

• Ernst Bader

• Peter Moesser

• Charly Niessen

• Walter Brandin

• Miriam Frances

• Eckart Hachfeld

• Michael Kunze

• Jacky Dreksler

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