Ya Oummi (« Ô ma mère ») est une chanson écrite et composée par Youssef Hagège à la fin des années 40. Elle fut créée par Hagège lui-même au cabaret Le Boléro de Casablanca en 1950. La première à l’enregistrer fut la jeune Ouarda en 1952.
Les parents de la jeune Ouarda Ftouki – qui deviendra la grande chanteuse Warda El Djazaïra – gèrent un établissement rue Saint-Séverin, au Quartier Latin. Le Tam-Tam, c’est son nom – formé des initiales des trois pays du Maghreb : Tunisie, Algérie, Maroc –, sera l’un des cabarets orientaux de Paris les plus en vue de l’après-guerre.
Installé à Paris, le Tunisien Youssef Hagège est un habitué des lieux. À la petite Ouarda, âgée d’une douzaine d’années (elle est née le 22 juillet 1939 à Puteaux), il offre cette chanson qu’elle interprète sur la scène du Tam-Tam. En 1952, elle enregistre plusieurs 78 tours chez Pathé Marconi. Sur l’un d’entre eux se trouve Ya Oummi. [pour écouter]
« La chanson a eu un succès fou ! J’allais au Faubourg Montmartre et je déposais le disque dans des cafés, raconte Youssef Hagège. Tout le monde me disait : “Mais qui est cette chanteuse ?“ Warda avait une petite voix très sympathique... J’expliquais que ses parents avaient un cabaret au Quartier latin. Alors, tout le monde se précipitait pour l’écouter. Tous les soirs le cabaret était plein à craquer ! »
« Cette chanson, je l’ai écrite il y a 60 ans !, s’émerveillait Youssef Hagège en 2003, alors âgé de 84 ans (1). Elle a été enregistrée d’abord par Warda. Des années plus tard, Line Monty l’a reprise, elle aussi avec beaucoup de succès. Une autre chanteuse l’a également reprise. Un beau jour, on m’a dit : “Mais pourquoi ne l’enregistres-tu pas puisque tu l’as écrite ?“. Alors, j’ai fini par le faire moi aussi [45 tours Starway. Pour écouter].
Voilà l’histoire de la chanson Ya Oummi... Je l’ai écrite pour ma mère et en même temps pour toutes les mamans de la Terre... C’était magnifique. »
Chantée d’une jolie petite voix de jeune fille, la version de Ouarda a contribué à faire connaître la chanson à la radio dans le Maghreb et dans les cabarets orientaux de Paris. Mais la version de Line Monty, enregistrée quelques années plus tard sous le nom de Leïla Fateh reste inégalable. [pour écouter]
« Beaucoup de chansons algériennes commencent par ce qu’on appelle un stikhbar. C’est un prélude qui expose le sujet de la chanson. Après quelques minutes, on entre dans le vif du sujet et là, la chanson devient rythmée », explique Maurice El Médioni. Dans la version de Line Monty, qui dure un peu plus de dix minutes, l’arrangement fait alterner une partie lente, plaintive, mélancolique et une partie rapide, festive. Line Monty en a fait une véritable version « symphonique », avec des variations de rythme, de tempo et d’ambiance. C’est son morceau de bravoure.
R. B
(1) Youssef Hagège, le dernier des Mohicans, portrait vidéo sur le DVD Les Stars du Music-Hall d’Algérie, BDWorld, Nocturne, 2006.
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