Youssef Hagège, l’un de ses auteurs favoris (L’Oriental, Ya Oummi) a dit d’elle : « Line, c’était une diva ! Elle était toujours en état de grâce ! Sa voix féline emportait nos cœurs, élevait nos âmes et sa beauté nous laissait sans voix. » Pour Gil Bernard, « Piaf, qui la craignait, a tout fait pour lui barrer la route dans la chanson française. Parce qu’elles étaient de la même graine... Line, on était tous à ses pieds ! Mais, alors, quel talent dès qu’elle ouvrait la bouche... Exactement comme Piaf. C’était notre Piaf à nous ! »
Elle est née à Alger en 1926, de son vrai nom Éliane Serfati. « Toute petite, rappelait-elle à Frédéric Mitterrand, un de ses plus fidèles admirateurs, j’aimais chanter, j’aimais qu’on me regarde, qu’on m’entende... J’avais trois ou quatre ans et je jouais déjà à la grande vedette ! » Au micro de Tewfik Hakem, en 2000, elle racontait : « Je chantais beaucoup en famille ou chez des amis et on me disait toujours : “Vous avez une voix extraordinaire, vous devriez en faire votre métier...“ C’est comme ça que les choses sont venues... »
Ses parents l’encouragent à chanter et à danser devant le cercle familial et les amis, mais ils ne voudront jamais qu’elle en fasse son métier. « Si un jour tu deviens artiste, je préfère ne plus te voir vivante », lui aurait dit son père. Ils vont même jusqu’à lui interdire les cours de musique et l’empêcheront de toucher au piano familial... en le fermant à clé ! Étrange attitude pour une famille qui se veut mélomane !
Éliane – à quel moment a-t-elle pris son nom de scène ? – « monte » à Paris au début des années 50. En 1950, elle figure, sous le nom de Line Monty, au générique de Nous, les Gitans, un court métrage de 35 minutes réalisé par Alberto Spadolini, danseur italien découvert par Joséphine Baker, qui en fit son partenaire, et coqueluche du Tout-Paris des années 30. Des photos du film, récemment restauré par la Cinémathèque française, sont visibles sur Internet. Résumé de ce court métrage tourné en Andalousie et sorti en salles le 15 janvier 1951 : « Spadolini, cinéaste et chorégraphe, danse sur une musique andalouse traditionnelle. Il rend hommage au chant et à la danse, au cœur de la culture tzigane. »
Le pianiste Maurice El Médioni, qui sera son accompagnateur durant toute sa carrière orientale, se souvient de l’avoir rencontrée une première fois en 1950, à Oran précisément. Il effectue alors son service militaire et Line, qui doit se produire à une fête à Tlemcen, n’a pas trouvé de musiciens. La réputation de Maurice, qui commence à se faire un nom dans la musique arabe, est arrivée aux oreilles de Line. Elle vient le voir à la caserne et demande au colonel de lui accorder une permission... Faveur refusée. « Maurice, c’est partie remise », lui dit-elle. Son service militaire terminé, Maurice redevient disponible et il aura l’occasion d’accompagner Line Monty dans des établissements d’Oran comme La Pergola ou Le Coq d’Or. « Quand elle a eu goûté à mon accompagnement, elle a estimé que j’étais l’élément qu’il lui fallait », dira Maurice. Mais cette première rencontre sera sans lendemain. La chanteuse et son accompagnateur se retrouveront à Paris, au début de l’année 1962.
Vers l’âge de 25 ans, Line prend des cours de chant avec un professeur italien et commence à chanter en public, essentiellement dans des galas de bienfaisance.
En février 1952, sous le nom de Line Monty, elle enregistre chez Pathé Marconi plusieurs 78 tours en langue arabe. Un de ses premiers succès en « francarabe » sera L’Orientale, une chanson de Youssef Hagège qui sera reprise une dizaine d’années plus tard par Enrico Macias. Le même Hagège, Tunisien né en 1919, également connu sous le nom de José de Suza (voir l’article qui lui est consacré dans ce numéro), lui compose d’autres titres. L’Orientale et trois d’entre eux seront réédités en juin 1959 sur un 45 tours Pathé.
L’Orientale devient un standard, mais dès l’année suivante, Line change de répertoire. Elle abandonne provisoirement la chanson arabe pour un répertoire « chanson française » tout ce qu’il y a de plus classique. De la fin décembre 1952 à octobre 1956, elle enregistre plusieurs 78 tours chez Pathé, accompagnée par les orchestres de Raymond Legrand, Marius Coste ou André Popp.
Des chansons écrites ou composées par Lyane Mairève (La chanson du mauvais garçon, C’était toi, L’amant que j’ai choisi), Fradel et Carennes (Rendez-moi ma chanson), Louis Poterat et Henri Bourtayre (Ce beau dimanche-là), Aznavour et Bécaud (Donne-moi, un succès de Bécaud), Maurice Robin et Charles Dumont (C’est déjà passé, Il jouait, un titre également enregistré par Robert Ripa), Louis Poterat (Tu fais partie de moi, également au répertoire de Colette Mars) ou Francis Blanche dans ses tendres et coquines œuvres (Élisa)... « Dans tes seins de vingt ans, il y a tout le sang du printemps qui bat, qui bat, quand tu ris aux éclats... » On remarque la maîtrise de sa voix, la qualité de sa diction et la justesse de son interprétation.
La suite (biographie de 10 pages illustrées) dans JE CHANTE MAGAZINE n° 12 (2016)
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